vendredi 20 mars 2009

Des nouvelles des cycles II

Circo réso
le 20-03-2009


Quelques nouvelles des instits du cycle 2 :

- Bilan de la dernière session : l'apport théorique est venu éclairer, enrichir notre réflexion, et a permis de mieux s'approprier la conférence de M. Fernandez.
La constitution de groupes de travail hétérogènes a permis de faire connaissance et de construire ensemble (dommage que cela n'ait pas été fait avant, cela aurait donné une unité et créé des liens utiles au traitement de la problématique commune).

- Remarque sur le compte-rendu : Sur le blog, la formulation « il faut dé-moraliser le travail sur le comportement, contrairement à ce que demandent les IO 2008 » nous chiffonne un tantinet. De façon plus explicite : on pourrait dé-moraliser le comportement en se demandant seulement si un comportement est adapté à la situation scolaire, pas s'il est bon ou mauvais en soi.

- Demande : Nous souhaiterions l'intervention d'un formateur afin d'approfondir le travail engagé sur le thème : « le comportement, objet d'apprentissage? ». Ce travail étant été amorcé avec D. Afgoustidis, lui serait-il possible qu'il intervienne à Cosne un vendredi pour le cycle 2?

mardi 10 mars 2009

Situations concrètes et dilemmes

Consigne : en groupe de quatre, on lit des situations réelles. En choisir une ou deux, puis répondre à trois questions :
Face à cette situation :
- ce que ça me fait ?
- ce que je fais ?
- pourquoi ? dans quels buts ?

3.2. Un enfant renverse un jus d’orange en le « faisant exprès »… Il me nargue… Que faire ?

1 . Ce que ça me fait :
- ça m’énerve fortement, ça remet en cause mon autorité devant le groupe-classe. Je me demande si c’est intentionnel (élève d’élémentaire ?)
2. Ce que je fais :
- je lui demande de nettoyer (plusieurs fois), je rappelle la règle ; puis je l’isole, je lui explique pourquoi ; je cède (je nettoie), mais je demande à voir ses parents . (ou je ne cède pas, je continue tant qu’il n’a pas nettoyé) (discussion au sein du groupe)

3. Pourquoi ?
- le but, c’est la réparation de la bêtise. Si on l’isole, c’est pour qu’il se calme (pour qu’il réfléchisse ? il ne faut pas le mettre dans une position où il puisse continuer à faire le clown devant le groupe ?) et qu’il puisse réparer ensuite. Après le nettoyage, il faudra un discours collectif de l’enseignant devant le groupe (retour sur la situation) avec le but de faire comprendre au groupe ce qu’a fait l’enseignant. (voir plus bas les nuances apportées à cette proposition)

Discussion :
- mais on a l’impression qu’il n’est pas énervé, qu’il est froid ? On est plutôt dans une provocation (habituelle ou pas ?). En quoi la sanction de nettoyer règle le problème ? Ce n’est pas l’acte qui pose le problème, ça dépend de l’intention et de la réaction : renverser le jus d’orange, ou être insolent ? Quel est son âge ?
- quand on sanctionne, on risque de ne pas répondre à sa demande d’être reconnu ? Oui, mais on montre que ce n’est pas la bonne méthode
- si on revient sur ce qui s’est passé, avec lui en duo, après le reour à un certain calme, on se sent moins pris dans l’escalade. On peut rétablir la communication grâce à la latence de l’isolement.
- rétablir l’autorité pour cet enfant, ou pour le groupe ? Quand une question est adressée à l’autorité, elle est mise en demeure de répondre…
- voir les parents, à partir de quel seuil ?

Situation 7 : un élève s’énerve, m’insulte, passe à l’acte envers l’enseignante.

Ce que ça me fait :

- conflit entre la posture d’enseignante et la posture d’individu
- conflit sur la gestion de l’affectif (image de soi face au groupe), physique (douleur, somatisation ultérieure), psychologique (déception/culpabilité de ne pas avoir sû anticiper/réguler)
- c’est grave, c’est l’escalade dans le conflit, dans la relation, il ne faut pas laisser passer
- colère car l’enseignante n’est pas protégée, mais aussi que la réponse de la directrice n’est pas adéquate (inspectrice)
- fortement déstabilisé, mais pas en colère
- inquiétude, angoisse, perte de la sécurité interne de l’enseignant
- peur de ce qui va advenir (peur de ma propre violence, aussi)
- sentiment de fragilité, solitude, atteinte de ma personne derrière l’être professionnel
- cascade d’acte en acte qui s’enchaînent, qu’il fait stopper.

Ce que je fais :
Gr1 Gestion de crise
Désamorcer si possible avant la cascade
Attendre le retour au calme de l’élève,
Utiliser la parole
Eviter le conflit frontal dominant/dominé (L’enseignant traite la crise)

recul nécessaire
Installer une distance temporelle
Mettre en place une introspection (refaire le film)

médiation
Avec le directeur incarnation de la loi MAIS risque d’aveu d’impuissance (Quand c’est calmé seulement par le directeur)

pour la suite
Exiger des excuses
Reprendre le déroulé des événements avec le groupe
Oser dire à la classe que l’enseignant a pu s’énervet, qu’on a dépassé la limite
Mettre en place un espace ouvert de parole (cf dans la classe pendant la récré)
Appeler les parents

- gr2 : Chronologiquement, on est d’accord avec ce que fait l’enseignant, sauf au moment du couloir : il aurait fallu un mot qui explique à l’élève la raison de cette première intervention (« c’est parce que… que tu… ») qui pourrait aider à désamorcer. Le « quand je l’aurai décidé » proféré par l’enseignant montre le risque de rupture (l’enseignant commence à glisser, il risque d’être « à égalité » avec l’élève, de confondre « norme scolaire » - on est calme parce que c’est indispensable pour apprendre ensemble- et « normativité sociale – tu dois céder devant moi parce que je suis le plus fort, que je dois te faire plier-). L’enseignant « fait une tentative » qui peut le mettre en danger.
- Ensuite, « l’empoignade » semble légitime pour le contenir. (le fait que ce soit un homme ou une femme n’est pas anodin ?). Le fait de l’emmener dans le bureau du directeur peut permettre de différer, mais il semble nécessaire que l’enseignant règle lui-même la situation. La suppression de la patinoire n’est peut-être pas adaptée (pas cohérente ? encore que la patinoire, c’est dangereux, donc…)
- gr3 : on est sûres que ce n’est pas la première crise, donc il faut anticiper le rapport de corps à corps, de seul à seul (que cherche l’enfant ?) qui fait monter l’anxiété chez l’enseignante qui s’affaisse, les rapports grand/petit s’inversent, l’institutrice est seule. Chercher un tiers. Noter les événements pour ne pas les oublier, les fixer. On l’a tous connue, cette montée de la peur et de la violence.

- Gr4 : Mobiliser l’éventuelle EVS pour avoir l’élève sous les yeux pendant l’exclusion (encore ne pas le laisser seul dans l’état où il est). Essayer de le contenir physiquement en lui parlant doucement pour faire baisser la température. Prendre rendez-vous avec les parents pour régler les deux agressions (élève et enseignant) en impliquant tout le monde dans un contrat à venir, incluant la réparation.

Commentaires collectifs sur la situation :
- Dans cette situation, on n’est pas au niveau du « jus d’orange » du texte 3. Ce type de situation peut relever de la justice, comme toute agression. La question de la sanction se pose.
- Rôle de l’inspecteur et du psychologue scolaire dans « l’après », au niveau institutionnel, pour adopter collectivement des stratégies adaptées à cet enfant (sanction, recours…) pour éviter la « sidération » devant les faits.
- Où se situe la limite entre la contention (la contenance) et la violence ? On peut imaginer un contrôle physique sans violence. C’est une question très importante, qu’on peine à aborder dans le cadre de l’école. Pourtant, nombre d’institutions y ont recours sans pour autant être violentes, en utilisant des protocoles qui cadrent les interventions.
- Et à 16h45 ? qu’est-ce qu’on fait de cet enfant ? On le laisse partir dans le car, ou dans la rue, ou est-ce qu’on appelle tout de suite les parents ? Pourra-t-il revenir demain matin dans la classe comme si rien ne c’était passé ?

Pourquoi j’agis de la sorte ? Avec quels buts ou motifs ?

Gr1 : La sanction de privation de patinoire : par mesure de sécurité ? par représailles ? mais peut-on priver un élève d’un élément du programme (privé de travail ?)

Gr2 : importance des excuses devant le groupe classe pour que chacun retrouve sa place devant le groupe (élève et enseignante).
Mais quel sens des excuses, selon l’âge (s’il n’a pas intégré les règles) ? Parce qu’on doit apprendre à faire « ce qui se fait » (DA)

Discussion :
- Toute la question est de remettre de la parole, du sens, de la pensée, même si la sanction doit être posée comme utile/nécessaire, pour lui et pour tout le monde. Elle permet de ne pas rester dans l’impunité, d’avoir le moyen d’exercer malgré tout sa responsabilité (PF). L’absence de sanction peut aussi être anxiogène.
- Il existe quand même un point commun entre la situation 3 et 7 : rétablir l’autorité, et établir un fonctionnement acceptable en milieu scolaire (c’est à dire la sécurité pour chacun de pouvoir y agir, y penser, s’y développer). C’est l’enjeu de la sanction (DA), élément du processus devrant aussi intégrer la réflexivité sur ce qui s’est passé, et le moyen de trouver un cadre permettant aux élèves de s’y retouver .
- Mais mettre un enfant devant le groupe et le sommer de s’expliquer peut aussi le faire disjoncter, le mettre devant une angoisse encore plus grande. (DA). La question du regard, des valeurs de l’enseignant y joue un rôle déterminant.
- Comment mesurer qu’une sanction est adaptée ou pas ? On sent bien que la privation de patinoire ne correspond pas à « l’irréparable s’est accompli ».
- Ces exemples nous obligent à penser comment on peut fournir à l’enseignant le moyen d’avoir un cadre permettant de mettre du tiers et de la parole, et donc du CADRE INSTITUTIONNEL, de l’équipe. On ne tricote pas tout seul. On ne peut pas fonctionner dans le débordement de l’angoisse.


Pour la prochaine séance (juin) :
- avancer dans la mise en écrit des dispositifs/réflexions/cadres institutionnels mis en œuvre pour travailler ensemble, dans les temps disponibles (écrits brouillons, tableaux de synthèse, cas d’élèves, situations observées, projets…
- pour les formateurs : commencer à synthétiser la démarche engagée, depuis sa conception, les différentes étapes du travail avec le groupe, les déplacements, les observables, les résistances, les avancées, les perspectives

Retour à quelques connaissances oubliées sur la norme et l’autorité, selon une approche constructiviste. (Dimitri Afgoustidis)

Nous ne travaillons pas sans racines, de Piaget à aujourd’hui. Quand on entend « il faut revenir à l’autorité » dans une vision classique, il ne faut pas oublier pourquoi on a changé de point de vue, à un moment donné.

Piaget avait commencé, dans les années 20-30, à travailler sur « le jugement moral de l’enfant ». Ses premiers travaux se penchaient sur les interactions sociales, et la place du langage dans le développement, ce qu’a repris Vygotski. A l’époque, Piaget s’oppose à Durkheim, sociologue, présentant le social comme une normativité contraignante, qui « nous tombe dessus telle quelle », en bloc, dans une persective juridique (les normes s’imposent à tous) ou vers la fin de sa vie plus transcendante.

Durkheim : greffer le social sur un sauvage
Piaget s’intéresse à la manière dont le sujet entre dans le social. Mais pour Durkheim, le social est dehors : l’initiation du sujet au social se fait par perfusion, par greffage. Logiquement, il pense que l’enfant est passif dans ce processus, la socialisation se fait « à coup de massue » visant à graver la normativité sociale chez l’individu biologique. C’est le rôle qu’il assigne à l’Education, et donc à l’instruction publique, plutôt qu’à la religion ou à la famille. A l’Ecole de gérer la difficulté, la contradiction entre l’individu et le social.
Les procédés pédagogiques vont de soi : autorité contraignante, pour passer de la « bête » à l’être social. L’esprit est une table rase sur laquelle on imprime. Il faut profiter de l’ascendance du maître sur l’enfant. Le destinataire doit être « subjugué » (mis sous un joug, dit le dictionnaire), comme par hypnose. C’est pratiquement la relation passionnelle nécessaire et confuse qu’entretiennent les parents avec le jeune nourisson, dont on se sort… si elle ne dure pas trop longtemps).

Pour caricaturale qu’elle soit, cette approche a le mérite de poser la nécessaire dissymétrie entre l’enseignant et l’élève.

Piaget : la place de l’activité du sujet et des relations avec les pairs
Piaget remet en question ces idées, notamment en expliquant que les enfants apprennent davantage de leurs pairs que de la relations avec les adultes : il expérimentent entre eux. Piaget va parfois jusqu’à dire que les adultes sont un obstacle à ces expériences.

Il soulève un paradoxe chez les traditionnalistes : comment voulez-vous former à l’autonomie en faisant primer l’hétéronomie (une norme qui n’a rien à voir avec lui) ?
Il se demande donc comment former des personnes à cette autonomie, tout en gardant la dissymétrie. (Durkheim répond par l’appel à la « volonté » de la personne, qui adhère à la norme sociale, la sanction/punition étant un moteur essentiel : l’enseignant est un prêtre laïque qui initie les enfants à la République).

La règle chez Piaget : toujours les stades, dans une perspective constructiviste.
Piaget s’oppose à l’idée d’une norme sociale « en soi », extérieure aux individus. Il n’existe pas de congélateur de la culture. Mais il néglige sans doute les sédimentations historiques de la norme sociale, qui vient d’une histoire : la forme scolaire du XIXe est l’héritière du travail monastique.
Il pense que le rapports entre les individus sont contractuels, et que l’apprentissage ne se fait pas par contrainte, mais pas coopération. C’est sans doute un des points de sa réflexion qui est le plus discutable, tant le contrat scolaire est aujourd’hui fragilisé.

Piaget introduit des idées fortes : l’évolution morale est liée aux stades de développement cognitif . Elle commence par l’abandon de l’égocentrisme (capacité à se décentrer, à se mettre à la place d’un autre), il se fait par intéraction avec les choses et avec autrui.

Il s’intéresse à ce qui se passe dans le jeu spontané de l’enfant. Il différencie la mise en pratique de la règle, et la concience de la règle.
Utilisant toujours son concept des « stades », il pense que l’enfant joue d’abord seul, avec son corps, puis par imitation (de deux à six ans) : on joue ensemble, mais pas vraiment ensemble, chacun applique ses propres règles sans totalement les partager. On ne peut pas facilement parler de norme sociale à ce stade.

Ce n’est qu’à partir de sept ans, selon le modèle piagétien, qu’on est capable de synchroniser : lorsqu’un élève arrive, le groupe de pairs l’initie au protocole de l’exercice du jeu. Vers la fin du primaire, ils deviennent même très minutieux sur la règle, voir intolérants : « ça, ça ne se fait pas ».

Pour ce qui est du fonctionnement cognitif sur la règle, c’est seulement vers 9-10 ans que la règle peut être prise par convention, et qu’il convient d’être loyal envers ce qu’on a décidé ensemble. C’est une logique contractuelle. Avant, c’est impossible à construire : on n’obéit à la norme que parce que « la maîtresse a dit que c’était comme ça ». On passe progressivement de l’égocentrisme (je suis une position dans l’espace et dans le temps) à la norme sociale morale, qui suppose intention, motifs et capacité à se mettre à la place de l’autre, dans une perspective intersubjective.
Il faut donc différencier pratique de la règle et conscience de la règle. Pratique et capacité ne sont pas identiques.

L’autonomie morale du comportement chez Piaget
Pour Piaget, égocentrisme et hétéronomie vont ensemble. Au-delà de la phase du nourisson, il postule que l’enfant intériorise la norme par étape, par décentration morale successive, par la capacité à prendre le point de vue d’autrui, à comprendre ses intentions (rappel : notre système de justice est basé sur la notion d’intention)

Quelle représentation ont les enfants des « actes qui ont des conséquences fâcheuses » ? Les cognitivistes utilisent des situations de dilemme, où l’acte est bien intentionné, mais la conséquence fâcheuse, ou à l’inverse l’acte est mal intentionné mais la conséquence mesurée : vol pour soi ou vol pour aider les pauvres, mensonge pour une bonne ou une mauvaise raison…
Jusqu’à l’âge de 10 ans, selon Piaget, les enfants réagissent par « réalisme moral » et ne prennent pas en compte l’intention : seule la conséquence pèse dans le jugement, qu’on l’ait « fait exprès » ou non. L’adulte peut être désarmé par ce type de réaction.
Ce n’est qu’à partir de 10 ans que prime au contraire l’intention : les enfants entrent dans l’univers adulte, où on contextualise la règle, où on intègre la situation dans son application.
Sur la représentation qu’ont les enfants de l’idée de sanction, dans une première phase on est dans la notion d’obéissance, puis dans une idée de justice, à partir de 10 ans.
Chez Piaget, la dissysétrie est toujours présente. Il y a une intersubjectivité pédagogique.

Lawrence Kohlberg, psychologue américain (1927-1987) va poursuivre les travaux laissés en friche par Piaget, en s’intéressant au passage de l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte. Il définit six stades, rassemblés en trois niveaux :
- Dans le niveau « préconventionnel », il faut obéir pour éviter la punition. Au stade 2, est bien ce qui satisfait ses besoins personnels.
- Au niveau suivant « conventionnel », l’altérité prend de l’importance, l’individu apprend à faire ce que le milieu attend de lui. C’est le stade de l’adolescence, auquel reste bien des adultes. Le stade suivant (stade 4) prend en compte l’ordre social et son bon fonctionnement. L’homme bon est celui qui respecte la Loi.
- Le niveau « post-conventionnel » se fonde sur l’éthique, les valeurs morales. Tout le monde n’y accède pas. On passe de l’égoïsme à l’altruisme, par des valeurs qui garantissent l’équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Au dernier stade, le « droit universel » régit les actions, dans une perspective où l’humain est autonome et libre.

Pour Kohlberg, les stades s’enchaînent nécessairement l’un après l’autre, chaque étape réorganisant la précédente sans pouvoir être sautée. L’enseignant peut être tenté, comme en histoire ou en maths, de tenter de faire passer l’enfant à un niveau trop élevé sans s’assurer que le stade précédent est acquis. Le développement cognitif est une condition nécessaire, mais pas suffisante pour y parvenir.

Critiques à cette théorisation :
Dans les dernières décennies, les philosophes ont émis plusieurs grandes critiques sur cette manière de voir :
- pour Jürgen Habermas, il devient impossible de définir les contraintes normatives au nom de l’autorité, au nom d’une conception morale. Même le minimum de contenu normatif fait l’objet de débat : une personne handicapée adulte a-t-il des besoins sexuels dont la société doit lui garantir la satisfaction ? Peut-on vivre sans musique ?
- les stades 5 et 6 de Kohleberg sont historiquement situés, culturels : le droit à la propriété est-il universel ? Les valeurs anglo-saxonnes sont-elles universelles ? Ceci dit, l’Ecole dans laquelle nous vivons peut sans doute fonctionner avec des principes moraux relatifs…

Pour conclure, on peut donc considérer que l’éducation civique (mais l’éducation tout court) doit prendre en charge les trois dimensions psychologiques : le subjectif, l’intersubjectif, le social (on pourrait dire simplement « je », « tu », « il »). L’école, c’est l’objectivation, c’est devenir « il », comme on le fait en grammaire où le discours du « je » devient l’objet du travail collectif. On pourrait replacer l’ensemble des apprentissages (disciplinaires) de l’Ecole dans cette perspective.

En tout état de cause, un « trouble du comportement » ne concerne pas que celui qui en est victime : les enfants, aux stades inférieurs, peuvent facilement répondre par ce que leur commande l’état de leur jugement moral, et réclamer tout simplement qu’on punisse celui qui dévie. L’enseignant est forcément confronté à cette difficulté, cette tension (du fait de son propre sentiment moral) lorsque l’explication qu’il fait du comportement déviant risque de l’empêcher d’agir pour garantir la bonne marche de l’Ecole, de la classe, ou la protections des élèves. La seule question qui vaille pour lui est donc : dans quel but je sanctionne ? Pas en tant que juge ni membre de l’ordre moral, mais en tant qu’éducateur. Une sanction doit avoir un sens, si on est enseignant.

Résumé pour l’action :
- pour les petits, décentration, empathie.
- puis, « se mettre à la place d’autrui », aller vers l’autonomie morale et affective (savoir que nous avons tous des brouillages communicationnels intrapsychiques : ça discute à l’intérieur de nous). « L’autonomie affective, c’et un jeu entre moi et ceux dont je dépends, qui doit être ajusté avec ce qu’en ressent l’autre… : non, on ne s’assied pas sur les genoux de la maîtresse pour faire des maths, mais on ne sanctionne pas un élève qui serait tenté de le faire… »)
- Exercer la « parole publique » est une compétence civique qu’il faut apprendre à exercer, pour éviter que la compétence ne disparaisse au fur et à mesure du développement. Prendre la parole, argumenter dans un cadre institutionnel (et non privé) aide à

L’axe commun qui peut se dégager pour les trois groupes : quel sens pour la sanction ? Pédagogique, éducatif, normatif ? L’Ecole sanctionne-t-elle comme la Justice ? Sanctionner pour écarter ou pour éduquer ?

Apès la session de mars : compte-rendu du travail des groupes de cycle

Cycle II : le comportement peut-il être objet d’apprentissage ?

Nous avons listé les réponses négatives :
- non, on ne peut pas travailler le comportement comme un savoir scolaire :
o opposition entre les règles de la maison et celles de l’Ecole (raisons idéologiques ou culturelles)
o parce que le comportement scolaire n’est pas transposable ailleurs : se déplacer en rang ou lever la main pour parler, c’est mal admis en dehors
o le rapport transmis par l’Ecole est-il celui exigé par la société ? Aujourd’hui, il y a une tension entre la norme de l’Ecole et celle de la société : la « note » tend à devenir secondaire dans la pédagogie (tu n’es pas la note que tu as), mais pour les enfants ou les familles, c’est important et demandé. C’est la mentalité générale de la société, en terme de reconnaissance, de salaire rapporté… L’élève qui réussit a des droits (« tu peux faire ce que tu veux si tu as de bonnes notes ») que n’a pas celui qui ne réussit pas. Le perdant est perdant sur toute la ligne.
o Consensus difficile à trouver entre enseignants sur ce qu’est un « comportement acceptable »
o Apprentissage du comportement, est-ce du dressage comportementaliste ?
- oui, c’est possible :
o certains élèves ne connaissent pas du tout les règles de vie collective, il faut leur apprendre
o certains ne les intègrent pas, ne les intériorisent pas : il faut les expliciter. Ca fait même partie des nouveaux programmes
o fédérer la communauté scolaire
o il faut « dé-moraliser » le travail sur les comportements, contrairement à ce que demande les IO 2008
o la tâche scolaire met à l’épreuve l’élève, par rapport à ce qui est attendu de lui. Le penser, l’agir, l’affect n’est pas totalement contrôlable, et le comportement n’en n’est que la conséquence (pas la cause). A nous de proposer les contextes favorables pour qu’il ne soit pas trop débordé, qu’il puisse fonctionner, et donc se développer,
o Risque de tomber dans le « totalitarisme pédagogique » de la programmation neuro-linguistique (PNL).

Cycle II (compte-rendu atelier : J. Liegeois)
Si on considère que la situation d’enseignement modifie le comportement, on prend du pouvoir d’agir sur cette situation : c’est l’enseignant qui est maître d’œuvre. Le dispositif pédagogique, c’est le travail de l’enseignant, plus la situation de travail.
L’exigence de l’école, c’est que l’enfant apprenne, et qu’il joue son rôle social d’élève.
Pour reprendre l’articulation décrocheur/perturbateur, avec toutes ses variantes, la question du sens de l’activité est à poser. On appelle « décrochage » le fait que l’enfant ne fonctionne plus, qu’il soit en rupture. Pour pouvoir se subordonner à la loi, il lui faut avoir du pouvoir sur son contexte. Ce n’est pas forcément un problème cognitif, mais souvent le fait de subir un contexte sur lequel ils n’ont pas de prise.

Toute situation d’apprentissage porte en elle des valeurs, plus ou moins construites : le vrai et le faux, le bien et le mal, le beau et le laid. Cette rencontre peut être terrible : si je suis une petite fille de 10 ans, pour qui le rose est le plus beau du monde, ce qu’on me propose comme esthétique dans le cours d’arts plastiques peut me bloquer, m’empêcher de penser.
Dans l’activité professionnelle, nous pouvons être tentés de suprotéger un enfant qui nous inquiète, de le considérer comme un petit. Face à un élève qui nous met en difficulté, il est difficile d’avoir la capacité réflexive de se questionner sur la posture qu’on prend face à lui, de ne pas le considérer d’une manière trop singulière, en se centrant trop sur lui (en étant piégé par lui). Dans certains cas, la « distance relationnelle » risque de ne pas être réglée à la bonne longueur, malgré nous : dans ce cas, l’enfant nous vit comme « trop près ».



Cycle I : les jeux d'opposition, modifications de comportements sensibles
Dans la période de janvier-février, on a travaillé sur les jeux de coopération/opposition en EPS. Rien de neuf, apparemment, sauf que pour les quatre classes concernées, c’est une avancée dans la manière de travailler les apprentissages. Constat observé : des comportements des élèves modifiés chez les élèves ciblés perturabateurs. Pour la première fois, X. participe à des activités. Pour d’autres, un contact physique enfin accepté. L’enseignement proposé induit des modifications de comportements, y compris au-delà de la discipline. « Ils ont changé leur comportement parce qu’ils sont heureux ? » propose une rééducratice. Sans doute aussi parce qu’ils ont appris. « Le jeu est aussi une activité d’apprentissage, mais l’activité d’EPS proposée par l’enseignant n’est pas du jeu libre, elle est une mise en scène, avec des normes précises et des règles contraignantes. De la même façon, jouer à la maîtresse, c’est jouer les règles du rapport élèves-maîtres qu’ils concoivent, qu’ils perçoivent. L’observer, c’est comprendre comment c’est intériorisé dans leur classe. » explique D. Afgoustidis. « Pour l’enseignant, comprendre l’écart entre son propre fonctionnement et celui des enfants est important. C’est développemental : ni les préoccupations, ni le rapport à la règle (ou à la loi) d’une enfant de 5 ans ne sont celles d’un enfant de 11 ans.».

Obsevation des comportements dans les jeux d’opposition-coopération :
Sept enfants ont été « passé en revue », regroupés en plusieurs catégories :
- les « tout-petits » présentant un retard par rapport à ce qui est attendu à cette classe (pleurs, pas de langage, concepts de base mal acquis), certains se situant en « zone frontière » avec l’objectif pédagogique premier d’accéder à l’école (« passer la douane »). Pour certains, ça peut être passer individuellement les consignes
- les « instables » qui bougent, pour qui il faut apprendre à gérer sa motricité (s’arrêter, accélérer, tourner…)
- ceux qui intimident les autres : chercher juste la règle de non-initimidation (tu fais comme ça parce que la maîtresse le demande), sans entrer dans des explications inaccessibles à cet âge.
- Ceux qui ne supportent pas l’idée d’enlever, de retirer, la séparation : le levier est de valoriser les apprentissages scolaires, le plaisir d’apprendre à l’école.
- Celui qui est ailleurs, qui semble « dérailler » psychologiquement : mettre un cadre d’activité claire et concis, fortement accompagné par l’adulte (compenser le manque de stabilité interne par un accompagnement)


Travail sur les temps intermédiaires (intermédiaires collectifs = récréations, passage aux toilettes… » ; intermédiaires individuels = « temps pendant lequel un élève « décroche pendants une séance, une leçon), qui ne sont pas les mêmes pour chaque élève.
Pour J . Liègeois, un individu qui décroche en classe est confronté à sa capacité à être seul, il doit être solide à l’intérieur pour « tenir » dans ces moments là.
Dans les temps intermédiaires collectifs, on est aussi confronté à soi-même : les plus vulnérables vont se mettre à disjoncter. On peut intervenir par des aménagements du temps, qui génèrent à leur tour de la complexité pour l’enseignant, confronté lui aussi à la gestion de sa propre sécurité interne.
Remarque d’un stagiaire : « dans les temps intermédiaires collectifs (récréations, changements de lieux), l’enseignant est moins inquiet d’éventuels décrochages, parce qu’il n’est pas sommé de « faire apprendre » dans ce moment-là. »

J. Liégeois y revient : « L’humain a des soupapes, qui lui permettent de faire de brefs décrochages, puis de revenir. On se rend compte parfois a postériori qu’on s’est arrêté à un feu rouge. Le problème, c’est quand l’attention est telle qu’on ne s’arrête pas… »


Cycle III : filet et rituels

La « classe folle » (difficilement gérable) était un objet de travail collectif. L’an passé, certaines actions ont eu lieu, souvent a postériori, qui impliquaient plusieurs professionnels. Question posée en décembre : comment travailler « en prévention », en construisant un « filet » (enseignant de classe, RASED, IEN, surnuméraire, directeur, coordonnateur, conseiller pédagogique), avec un « passage de main » pour une débutante, ou pour les PE2 qui remplacent les enseignants chevronnés ?

Objectif : anticiper les difficultés, venir en aide à un enseignant qui le demande
Moyens d’action : présence accrue du maître surnuméraire, décloisonnements, aide du RASED.
L’action a eu des résultats tangibles, la classe est aujourd’hui gérable.
Mais une des difficultés, c’est que le problème émerge (il n’est pas facile de se signaler comme un enseignant « en difficulté » . Pour que le problème soit soulevé, il faut que le dispositif « filet » soit intégré dans le fonctionnement ordinaire de l’Ecole. Comment ? Conseil de cycle ? De maîtres ? avec quels médiateurs disponibles (directeur ? Conseiller pédagogique ? Membre du RASED ? Coordo ZEP ?
Poser cette question, c’est poser ce que chacun peut faire pour participer au travail de filet. Ca peut être aussi reconsidérer son travail, la manière de l’exercer, ses priorités (ex : aider les élèves ou aider le collectif de travail des adultes ?)

Exemple d’une question à travailler dans un cadre collectif : la question des rituels qui aident à se construire en tant qu’élève, avant la classe (la mise en rang du matin ou de l’après-midi, l’entrée en classe, le début de la séance, la persistance dans l’activité, la fin de séance…)
On constate dans le groupe les difficultés (malgré la bonne volonté) à parler de ce qui nous paraît ordinaire, notre activité quotidienne (mettre une classe en rang, se poster à un endroits spécifique à l’entrée en classe, préparer les tableaux pour aider les élèves à savoir ce qu’on va faire, ranger ou pas les sacs…), à l’écrire, noir sur blanc, à le ranger dans des tableaux, en prenant la peine de ne pas gommer nos différences, sans chercher à se hiérarchiser « ce qui est bien ».
Les membres du groupe ressentent la nécessité d’utiliser des techniques adaptées pour faire surgir ces paroles singulières, pour avoir un regard professionnel. Il faut en prendre le temps, en formation ou en travail insitutionnel, et s’aider de médiateurs reconnus par le groupe.

Derrière la singularité des entrées des trois groupes, des complémentarités :
1. Que faire en tant qu’enseignant avec certains élèves ?
2. Les motifs d’apprendre, une variable importante dans la source du comportement des élèves ?
3. Que faire pour le collectif ? Comment s’armer un peu plus (avec des mots, des références et des dispositifs) pour se préparer à l’inattendu ?
A ces trois entrées, il faudrait ajouter les parents pour arriver à une revue complète des axes de travail possible pour les dispositifs.