mercredi 26 novembre 2008

Michel Defrance : A trop aimer comme à trop contraindre, on ne permet plus de grandir"

Une fois de plus, la salle de conférence du lycée était pleine, pour accueillir la seconde conférence du cycle "Enfants Perturbateurs, que faire à l'Ecole ?", organisée par l'IA de la Nièvre et la DAAEFOP.

"On renonce aux choses parce qu’on en espère un gain… Mais certains enfants ne peuvent pas le comprendre, soit parce qu’ils ne l’ont pas eu dans leur éducation, soit parce qu’ils en sont psychologiquement empêchés. L’Ecole est alors pour eux le lieu de l’arbitraire subi.

Le développement d’un enfant est dépendant d’un socle de sécurité psychique : désir de ses parents qu’il existe, sans pour autant être assigné à prendre une place impossible, pris dans le désir irraisonné de ces enfants ; autorisé à s’ouvrir au monde, et donc en sécurité, attiré vers l’ouverture à l’autre. A l’inverse, qu’il devienne un enjeu tiraillé entre deux parents qui en font un objet de conflit,
L’enfant n’est que l’interprétation de la place qu’on lui donne. Mais il n’est pas pour autant sans ressource : il interagit avec son environnement, il rit ou il pleure, il est propre ou non, il intériorise (ou non) le fait qu'on va lui répondre (ou non...). Il peut donc être empêché de "tenir en place", trop inquiété dans ses premiers souvenirs de l'arbitraire inexplicable de son entourage.

Mais la "sécurité interne" ne fait pas tout. Encore faut-il construire l'estime de soi, si exacerbée dans notre société hédoniste. "Il faut que je sois reconnu". C'est au coeur de la relation pédagogique : un enfant qui refuse la main tendue de l'enseignant décontenance l'enseignant, comme une mère à qui son enfant ne sourit pas. Si on est dans le doute sur ses capacités, la moindre déconvenue va engendrer une rupture intérieure. Dans un "métier qui éreinte", l'enseignant ne peut que restituer que ce qui l'alimente... Il n'y a pas de don gratuit : l'enseignant, comme les autres, attend d'être payé en retour, respecté, reconnu.

L'enfant agité attend des réponses. Il connait déjà bien l'agressivité. A défaut de sens, il interroge ses sens. La difficulté pour l'enseignant est donc bien organiser la rencontre, d'abord en comprenant pourquoi il est "comme ça", en objectivant ce qui se passe, en connaissant mieux son cadre et les personnes avec qui il vit, mais aussi en les "encadrant" mieux, en les rassurant, en captant leur attention, en transformant le sens de la contrainte. Cela passe par le langage qui permet la pensée, qui permet de mettre des mots sur les maux par le passage au symbolique en représentant ce qui n'est pas là. Sans ce passage, pas de construction de la loi, pas de reconnaissance du pouvoir des autres, pas de "devenir soi" dans une société qui déconstruit chaque jour les rapports d'autorité, où tout semble ne plus être que "divergence d'opinion" dans la transmission culturelle, comme le dit si bien Marcel Gauchet. L'autorité ne peut désormais plus être que celle qu'on nous reconnait... Elle ne va plus de soi, elle est à construire, même par l'enseignant dans sa classe, en étant vécu par l'élève comme une "ressource" et non plus qu'un empêchement... Serge Boimare le dit fort bien en s'appuyant sur les mythes pour construire des passerelles intéressantes dans la classe. C'est cette responsabilité qui est aujourd'hui aussi difficile à construire pour les enseignants, parce qu'elle est exigeante, angoissante, coûteuse, et qui exige d'eux une sécurité interne si difficile à construire.

Cela passe par du travail à plusieurs, y compris en changeant de rôle, afin de ne pas personnaliser à outrance les difficultés : le collègue est une ressource pour moi. Cela passe par un travail avec les parents, les partenaires internes et externes (RASED, CMP, CMP, SESSAD), pour permettre des pas de côté.

Cela demande aussi qu'on préserve la spécificité du secteur médico-social : le fonctionnement de la MDPH, avec la loi de 2005, est intéressant, à condition qu'il ne fasse pas trop de place à la décision des parents qui imposent parfois des décisions d'intégration impossibles. Je suis pour que les élèves soient accueillis dans les établissements au bon moment, c'est à dire pas trop tard. Les enseignants référents sont une cheville ouvrière indispensable, et vous devez signaler les enfants en grande souffrance pour que l'équipe pluridisciplinaire se penche sur son cas.

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